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Les bénédictins basques oubliés de l’Abbaye du Sacré-Cœur, Oklahoma (II / II)

Les activités entreprises par les moines en Californie du Sud s’étendent sur trois paroisses. À Montebello, les frères Simon, qui possèdent la briqueterie locale, deviennent d’importants bienfaiteurs et participent à la construction d’une église paroissiale dénommée Notre-Dame du Mont-Carmel. Ils font également don d’un terrain pour construire le monastère et de terres destinées à la culture d’arbres fruitiers et à des jardins. Ces bâtiments constitueront le centre d’opération du monastère en Californie jusqu’en 1958. La région est très peuplée et les premiers paroissiens de cette nouvelle église sont des travailleurs mexicains. À La Puente, une ancienne église méthodiste est convertie en 1905 en paroisse catholique et reçoit le nom d’Église Catholique Saint-Joseph. Au début, un prêtre basque de Montebello s’y rend tous les week-ends pour dire la messe, puis le père Hippolyte Topet établit sa résidence à l’église. En 1920, la paroisse est transférée au clergé diocésain de Los Angeles. En 1910, le père Ardans fonde la paroisse de Notre-Dame de Lourdes dans la région de Belvedere, à East Los Angeles. Cette paroisse et l’école qui y sera installée seront pendant des années les plus importantes du diocèse. Le père Ardans sera le curé de la paroisse jusqu’en 1930.

Outre les trois prêtres qui sont arrivés en premier lieu en Californie, cette région a également accueilli les bénédictins suivants entre 1905 et 1920 : les pères Aloysius Hitta, Ildefonse Elissalde, Vincent Montibalet, Clément Dupont. On trouve, parmi les frères, Edouard Laco, Eusebius Aldanondo, Fidele Chilloque, Sebastian Eisburu ainsi que plusieurs religieux. Vincent Monibalet sera responsable de la communauté californienne entre 1915 et 1920. Même si les bénédictins parviennent à attirer une série de moines et de frères, leur communauté ne sera jamais assez grande pour dépasser le statut de dépendance de l’Abbaye du Sacré-Cœur en Oklahoma. La communauté déclinera lentement au fur et à mesure que les moines et les frères vieilliront et disparaîtront, certains retournant même en France. À la fin des années 1920, seuls les pères Topet et Ardans demeurent encore dans la région de Los Angeles. Le père Topet y résidera jusqu’à sa mort en 1938 et, après avoir vécu quelques temps en Oklahoma, le père Ardans retournera en 1938 en Californie du Sud où il vivra jusqu’à sa mort en 1953.

Fr. Charles Espelette

Fr. Charles Espelette.

Le père Espelette, originaire d’Aldude, est le dernier Basque qui arrive en Oklahoma en 1903. Ordonné prêtre en 1910, il se fait enrôler comme soldat dans l’armée française lors d’une visite au Pays basque en 1914. Il sert comme médecin et retourne en 1919 en Oklahoma « muni de la croix de guerre, de trois citations, d’ordres d’appel et portant encore des débris de balle dans un bras » (Gariador 1919). C’est un des moines les plus actifs et les plus respectés. Il exercera la fonction de professeur en Oklahoma pendant plusieurs années et s’installera de façon permanente en Californie en 1933, avant de reprendre la fonction de missionnaire basque itinérant assurée alors par le père Topet. En 1940, il s’établit dans le vieux monastère où il résidera jusqu’à sa mort en 1958. Le père Espelette a également fondé le Club Euskualdun de Californie du Sud, en 1946, à partir du monastère de Montebello et a appris pendant de nombreuses années aux jeunes Basques à pratiquer leurs danses traditionnelles.

Le déclin de la communauté basque à Montebello constituera en fait une aubaine pour sa maison mère, l’Abbaye du Sacré-Cœur, et surtout pour son successeur, l’Abbaye Saint-Grégoire. En effet, le pétrole devient à cette époque une industrie majeure en Californie du Sud et il se fait que la propriété appartenant aux moines à Montebello contient d’importantes réserves pétrolières. Au fil des années, différentes compagnies pétrolières extrairont du pétrole et apporteront des fonds très précieux pour assurer les activités de l’abbaye en Oklahoma. Par ailleurs, les moines vendront différentes parties de la propriété, suivant l’évolution de cette industrie, et se déferont de la dernière parcelle après la mort du père Espelette. Les montants considérables obtenus à travers la vente des biens en Californie contribueront largement à la construction de l’Abbaye Saint-Grégoire et de l’Université dont il est question plus loin.

Fr. Benoit Gariador

Fr. Benoit Gariador.

Comme il a déjà été indiqué plus haut, le père Gariador est renvoyé à Oklahoma en 1909 afin d’assumer les tâches administratives de l’Abbaye du Sacré-Cœur en qualité de Prieur administrateur. C’est un changement difficile à assumer car il aurait préféré rester en Californie, mais l’abbaye est confrontée à de gros problèmes. Le manque de main d’œuvre est un souci permanent étant donné que les paroisses locales recherchent également les prêtres qui se font rares. La Congrégation de la Primitive Observance exerce des pressions pour maintenir la pratique bénédictine, mais une fois encore, le manque de main d’œuvre empêche l’autosuffisance du monastère d’Oklahoma et à plus forte raison de celui de Montebello. En outre, la communauté a été soumise pendant des années à une division sous-jacente opposant, d’une part, les membres du clergé nés en Amérique et, d’autre part, ceux qui sont nés en Europe et qui sont dominés par le contingent basque. La tension éclate lorsque, au lieu de se soumettre à une élection abbatiale, le père Leo est nommé Prieur administrateur en 1909 après la visite officielle de son frère aîné, le père Benoît Gariador. Cette nomination émane en fait de l’Abbé Général à Rome, mais le fait que le père Benoît vient à peine de rentrer à Rome avec cette recommandation exaspère les moines américains qui y voient un acte de népotisme. Toutes ces questions vont peser lourdement sur la gestion du père Gariador jusqu’à l’élection d’un nouveau leader en 1922.

Il est important de souligner l’importance que revêtent les journaux du père Leo Gariador. Les archives de l’Abbaye Saint-Grégoire contiennent de nombreux volumes de petits livrets noirs dans lesquels il inscrit des commentaires depuis quelques jours avant son ordination en 1887 jusqu’au mois de juin 1938. Il écrit d’abord en français, puis apprend l’anglais, langue qu’il adoptera à partir de 1890 pour écrire dans son journal. Il prie parfois en latin et utilise le basque lorsqu’il fait référence à sa famille et à ses compatriotes. Ses commentaires concernent des rapports d’opérations commerciales, des visites pastorales, le temps, les récoltes et des prières spéciales comme celles qui ont été prononcées après le tremblement de terre de San Francisco en 1906. En Avril 1912, il écrit —non sans ironie— que son « frère s’est embarqué à New York sur La Provence, a vu et évité des icebergs... (alors que) le Titanic a heurté un iceberg, a explosé et a sombré » après que les deux bateaux se sont croisés dans l’Atlantique (Gariador 1912). Ses journaux ont constitué une importante source d’information qu’a utilisée le père Murphy pour écrire Tenacious Monks étant donné qu’ils décrivent de nombreux aspects de la vie quotidienne des moines. Le père Leo restera au Sacré-Cœur, même après le transfert de la plupart des activités à l’Abbaye Saint-Grégoire, et y mourra en 1940. Son frère, le père Benoît, exercera la fonction de Prieur de l’Abbaye de Buckfast de 1885 à 1899, puis fondera un monastère à Jérusalem, en Terre Sainte, avant d’être élu en 1920 Abbé Général de toute la Congrégation de la Primitive Observance. Il publiera une série d’articles sur l’histoire de la théologie catholique. Il mourra en 1936 et sera enterré à Jérusalem.

Fr. Blaise Haritchabalet

Fr. Blaise Haritchabalet.

C’est sous le ministère du père Leo que l’abbaye entreprend les projets qui auront les plus longues répercussions dans le temps. L’Abbaye du Sacré-Cœur s’est toujours consacrée à l’enseignement et a d’ailleurs créé une école dès le début de ses activités. Ceci dit, la communauté a toujours aspiré à fonder une université. En 1910, le père Gariador conclut avec succès une série de négociations visant à créer l’Université catholique d’Oklahoma à Shawnee. Ses journaux reflètent, pendant ces années, les activités et les prières qu’il a faites dans le but d’obtenir la création de l’Université catholique. En 1922, celle-ci adoptera le nom de St. Gregory’s College, laquelle existe encore à l’heure actuelle sous le nom de St. Gregory’s University. Outre l’université, on fondera également à cet endroit un monastère qui portera le nom d’Abbaye Saint-Grégoire. La plupart des activités de l’Abbaye du Sacré-Cœur y seront transférées en 1929, époque à laquelle la communauté coupe ses racines européennes pour rejoindre la Congrégation américano-cassinaise. Le père Haritchabalet exercera la présidence de l’Université jusqu’en 1924. Il y enseignera le latin, la philosophie et les Saintes Écritures et il y exercera la fonction de Maître des Novices jusqu’à sa mort en 1949. Frère Théodore Ayzaguer, qui est également resté en Oklahoma, serait devenu un artisan reconnu et aurait sculpté à la main une série de superbes autels.

Les moines et les frères ne seront pas les seuls à subir les conséquences des lois anticléricales adoptées en France car celles-ci obligeront également de nombreuses religieuses à s’exiler. Comme il a déjà été indiqué plus haut, le père Duperou ramènera en 1889 quatre religieuses qui s’occuperont de la cuisine, de la couture et enseigneront à l’école. En 1890, quatre autres religieuses arrivent du Pays basque : les sœurs Philomena Gorostiz, Véronique Etcheverry, Dorothée Ramirez et Florentine Ramirez. En 1895, c’est le tour de trois religieuses du Béarn, puis l’arrivage final en 1903 comprendra les religieuses Gertrude Berho, Marthe Arhancet, Marie Necibar, Julie Arcondeguy et Marguerite Ithusarry. Certaines de ces religieuses ont des frères et sœurs dans la communauté. Sœur Philomena Gorostiz, qui est arrivée en 1890, ne cessera de confectionner les habits des moines pratiquement jusqu’à sa mort en 1952. Certaines religieuses seront finalement transférées dans un couvent en Louisiane, mais bon nombre d’entre elles resteront au Sacré-Cœur pour le reste de leurs jours.

À l’instar du monastère à Montebello, le contingent basque résidant à l’Abbaye du Sacré-Cœur se réduira au fil des années au fur et à mesure que les moines et les frères vieilliront. Sur les trois monastères dirigés par les bénédictins d’Oklahoma, seule l’Abbaye Saint-Grégoire survit de nos jours. Une poignée de moines et de frères poursuivront leur vie monastique à l’Abbaye du Sacré-Cœur et seront enterrés dans le petit cimetière de la propriété. C’est notamment le cas des pères Leo Gariador, Clément Dupont, Placide Harismendy, Blaise Haritchabalet, Guillaume Ospital ; des frères Henri Aldanondo, Théodore Ayzaguer et Casimir Etchechury. Eloi Justou est le dernier moine basque qui décédera et sera enterré au Sacré-Cœur, tandis que la dernière religieuse, Benedicta Lansamin, y décédera en 1965. Bien que les bâtiments aient été rasés dans les années 1950, le domaine figure sur la Liste nationale des sites historiques de sorte qu’on peut encore le visiter ainsi que son cimetière.

Assis: Vincent Huber (St. Bede´s Illinois), Abbot Earnest Helmstetter (St. Mary´s, New Jersey), Abbot Bernard Murphy.

Assis: Vincent Huber (St. Bede´s Illinois), Abbot Earnest Helmstetter (St. Mary´s, New Jersey), Abbot Bernard Murphy.
Dobout: John Laracy, Leo Gariador, William Ospital, Joseph Muelhaupt, Theodore Acyaguer, Ildephonse Ellisalde, Paul Baldwin, Celestine Smith, Florentino Ramirez, Patrick McNamee, Casimir Etchechury, Elias Fink, Andrew Pouy.

Sauf lorsque des citations contraires sont indiquées, cette histoire des moines bénédictins basques du Sacré-Cœur est un résumé des activités basques décrites dans l’ouvrage Tenacious Monks du père Murphy. Ce récit de 465 pages décrivant la mission du Sacré-Cœur donne beaucoup d’informations détaillées sur les activités de l’ensemble de la communauté monastique et, parmi celle-ci, des Basques. Il existe une énorme richesse d’informations sur les Basques dans cet ouvrage comme dans les journaux du père Leo Gariador dont le père Murphy offre de nombreuses citations. Les références à des correspondances et à des documents faites par le père Murphy indiquent qu’il existe des sources de recherche complémentaires dans d’autres abbayes et archives paroissiales qui pourraient apporter un éclairage plus fin sur les activités des bénédictins basques et de la communauté basque en général.

Les activités de cette communauté s’entrelacèrent avec la perpétuation de la culture basque et des besoins spirituels des différentes familles basques dont le mode de vie est très semblable à celui des missionnaires basques envoyés de nos jours par l’évêque de Bayonne. Ceci dit, contraints de s’exiler en Amérique à cause des lois anticléricales adoptées par le gouvernement français, ils subirent les privations associées à la vie sur le territoire de l’Oklahoma parmi les populations indiennes qu’ils essayèrent d’intégrer dans la culture américaine. Ils répondirent à l’appel d’envoyer des membres du clergé basque parmi les immigrants basques dans l’Ouest américain. Ils adoptèrent le tempérament basque traditionnel grâce auquel ils purent survivre, en tant que groupe culturel distinct, au sein d’un vaste contexte non basque. L’histoire des bénédictins basques de l’Abbaye du Sacré-Cœur est profondément méconnue des familles basques actuelles. Puisse ce bref résumé de leurs activités nous aider à partager leur mémoire et à apprécier les efforts extraordinaires déployés par cette sainte communauté.

Je souhaite adresser mes remerciements et ma profonde gratitude à l’Abbaye Saint-Grégoire qui a conservé les traces de ces moines bénédictins et, en particulier, au père Patrick McCool et à frère Benet Exton qui ont remis à l’auteur une copie de Tenacious Monks, des copies des journaux du père Leo Gariador et de nombreux autres documents concernant ces merveilleux bénédictins.

Je tiens également à remercier mon père, Jean Baptiste Gariador, qui a éveillé ma curiosité dès mon enfance en me racontant des histoires sur le Pays basque et sur sa famille sachant que ses deux grands-oncles animent ce récit. Ceci m’a incité à entreprendre une recherche de longue haleine en vue de recueillir davantage d’informations à leur égard et de partager aujourd’hui cette histoire avec d’autres personnes.

Bibliographie :

Douglass, William A. and Jon Bilbao (1975) Amerikanuak: Basques in the New World, Reno Nevada: University of Nevada Press.

Gachiteguy, Adrian (1955) Les Basques dans L’Ouest Américain, Bordeaux.

Diaries of Father Leo Gariador, OSB, 1888-1936.

Llande, Pierre (1910) L’émigration basque, Paris.

Murphy, Joseph F. (1974) Tenacious Monks - The Oklahoma Benedictines, 1875-1975: Indian Missionaries, Catholic Founders, Educators and Agriculturists, Shawnee Oklahoma: Benedictine Color Press, St. Gregory’s Abbey.

Otoizlari (1987), Urt, France: Editions Ezkila, Notre Dame de Belloc, No. 124 April/June 1987.

Zubiri, Nancy (1998) A Travel Guide to Basque America: Families, Feasts & Festivals, Reno, Nevada: University of Nevada Press.

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